Canfranc-Saragosse : western moderne
Canfranc estacion, 7h 10.
Après avoir passé la nuit sous l'aile protectrice du colosse endormi, le petit autorail de la RENFE s'apprête à quitter les Pyrénées ibériques pour rallier Saragosse via la plaine désertique de l'Aragon.
Bien que tout le reste de l'immense bâtiment voyageur ait été livré aux dépravations puis aux démolisseurs, le guichet de la RENFE, éclairé et informatisé comme partout ailleurs, fonctionne toujours normalement comme si rien ne s'était passé autour. Frappé par le surréalisme de la situation, je me frotte les yeux. Nous sommes dans la seconde gare la plus grande d'Europe, il n'y a que deux voyageurs au départ et deux fois plus d'employés des chemins de fer espagnols mobilisés pour l'occasion. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'effervescence n'est pas à son comble.
Enfin, le départ ! Alors que se lève le jour, le bon gros diesel propulse l'autorail à un bon cinquante à l'heure de croisière. Nous filons au milieu des herbes folles et laissons la gare dans sa friche parsemée des derniers vestiges d'un passé révolu.
La vallée de l'Aragon nous offre ses paysages vertigineux de canyons arides. Le versant espagnol ne présente rien de comparable au français. Nous perdons rapidement de l'altitude à mesure qu'approche Jaca. Trois quart d'heure suffisent à retrouver la plaine. Adieu, Pyrénées.
Halte d'Ayerbe, quelque part au milieu de nulle part. Un quai, un panneau, et puis... RIEN.
9h. Déjà le soleil cogne.
A l'ombre des Mallos de Riglos, le pays de John Wayne version western spaghetti. Ne manquent plus que les crânes de boeuf au bord de la voie...
La gare d'Anzanigo livrée aux quatre vents comme bien de ses consoeurs dans ce désert humain. Pourtant, le train s'y arrête toujours sur demande...
Une poignée de villages épars tirent leur salut de l'irrigation des cultures, condition sine qua non de leur survie en ces terres arides.
11h 30, enfin Saragosse !
Notre petit autorail de province rencontre l'AVE - le TGV espagnol - sous la gigantesque verrière de la gare flambant neuve digne d'un aéroport hi-tech. A défaut d'avoir changé de planète, nous avons bel et bien changé de siècle.
Si de l'eau a passé sous les ponts de l'Ebre, la cathédrale du Pilar soulève toujours autant la ferveur des croyants en ces terres passées en moins de trente ans du plus pur obscurantisme religieux au mariage homosexuel...